
Dans les quartiers populaires proches du Paillon, entre ennui au quotidien et petits trafics, des jeunes échangent avec des éducateurs spécialisés d’ALC. Depuis un an, plusieurs d’entre eux ont une demande : « On aimerait faire quelque chose pour d’autres, se sentir utiles ». C’est fait.
Ensemble, ils ont cherché comment « faire de l’humanitaire », mais mettre sur pied un projet de rupture à visée bénévole pour ces garçons et filles n’est pas simple.
Survient Alex : les jeunes en entendent un peu parler, ne savent rien de la Roya ou la Vésubie. Jean-Louis Chaline, le chef des deux équipes de prévention spécialisée d’ALC, pense que c’est l’occasion de répondre à leur volonté d’être solidaires. Par une collègue d’ALC, il apprend que la pisciculture de Roquebillière a été envahie par la crue et que le couple d’exploitants appelle à l’aide. En 15 jours, il organise avec chacune des deux équipes une journée d’intervention.
Il faudra déblayer gravier et rochers, et le propriétaire a prévenu : pas de terrassiers-bénévoles trop jeunes, le cimetière est proche et ils peuvent trouver des restes humains. Au Paillon, avec 3 éducateurs, un groupe de 2 filles et 7 garçons de 18 à 20 ans se constitue. Au-delà des mots, s’engager en actes est un premier pas vers la citoyenneté.
Le deuxième pas se fait le 23 octobre, lorsque le couple de propriétaires les accueille à la pisciculture comme des personnes importantes pour eux et leur explique comment elle fonctionnait, photos à l’appui. Ces jeunes, peu favorisés, ressentent le désespoir d’adultes qui viennent de perdre leur gagne-pain. L’engagement citoyen valorise ; il ouvre à la détresse d’autrui.
Il faut ensuite apprendre à manipuler les outils (pelles, pioches, râteaux, brouettes), réfléchir à l’organisation du travail pour éviter de se gêner. C’est un dur travail physique, creuser et charrier des kilos de débris, sans pause, deux heures le matin puis deux encore l’après-midi. Tous, garçons et filles, tiennent bon, sans aucun conflit entre eux. Cette action solidaire impose un effort physique inhabituel et une réelle coopération. Elle est menée à bien grâce à la motivation des jeunes, renforcée par l’accueil des propriétaires.
Dans les voitures, au retour, beaucoup dorment, trop épuisés pour commenter la journée. Mais la façon dont ils en reparlent aux éducateurs montre combien ils en sont heureux et fiers. Et tout ce qu’ils ont compris : « quand on ne trouve sa place nulle part, on peut en trouver une en aidant les autres ». Au point de se vanter auprès de certains copains que « oui, ils ont fait tout ça pour rien ! ».
Des mois après, ils rient en évoquant leurs maladresses (celui qui s’est cassé la figure) ou leur fatigue (celui qui s’est endormi au déjeuner). Tous se disent prêts à recommencer, pour retaper les chemins de randonnée par exemple.
Les éducateurs regrettent juste que la situation sanitaire leur ait interdit d’emmener les volontaires voir la pisciculture remise en marche, en guise de remerciement, et de lancer une nouvelle action. Ils soulignent que cette journée a été possible parce qu’ils ont accompagné dans la durée ces jeunes sans aucune discrimination entre eux, et les ont fédérés en toute neutralité.
Comme le dit Christelle Mezzina, éducatrice : « La citoyenneté, c’est donner. En donnant, on reçoit. Cette journée ne signifie pas que l’intégration sociale de ces jeunes est faite, mais ils ont vu qu’ils avaient une utilité pour les autres ».
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